Page:Sand - Cesarine Dietrich.djvu/29

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moi me force à m’examiner du matin au soir. Elle me mûrit trop vite, je vous en avertis ; vous feriez mieux de ne pas tant fouiller dans ma conscience et de me laisser vivre, j’en vaudrais mieux. Je deviendrai si raisonnable avec vos raisonnements que je ne jouirai plus de rien. Ah ! maman me comprenait mieux. Quand je lui faisais des questions, elle me répondait :

« — Tu n’as pas besoin de savoir.

« Et si elle me voyait réfléchir, elle me parlait des belles robes de ma poupée ou des miennes ; elle voulait que je fusse une femme et rien de plus, rien de mieux. Mon père veut que je pense comme un homme, et vous, vous rêvez de m’élever à l’état d’ange. Heureusement je sais me défendre, et je saurai me faire aimer de vous comme je suis.

— C’est fait, je vous aime ; mais vous l’avez compris, je vous veux parfaite, vous pouvez l’être.

— Si je veux, peut-être ; mais je ne sais pas si je le veux, j’y penserai.

Ainsi je n’avais jamais le dernier mot avec elle, et c’était à recommencer toutes les fois qu’une observation sur le fond de sa pensée me paraissait nécessaire. L’occasion était rare, car à la surface et dans l’habitude de la vie elle était d’une égalité d’humeur incomparable, je dirais presque invraisemblable à son âge et dans sa position. Jamais je n’eus à lui reprocher un instant de langueur, une ombre de résistance dans ses études. Elle était toujours prête, toujours attentive. Sa compréhension, sa mémoire, la logique et la pénétration de son esprit tenaient du prodige. Elle me