Page:Sand - Cesarine Dietrich.djvu/317

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quitter et pour réclamer ma liberté. Il faudra que je sois sa femme, entendez-vous ? Son amour est invincible ; c’est sa vie, et, s’il perd encore une fois l’espérance, il se tuera. Vous l’avez voulu, je serai sa femme ! Mais sachez qu’auparavant je veux être à vous. Vous m’aimez, je le sais, nous devons nous quitter pour jamais, nos devoirs nous le prescrivent, et nous ne serons point lâches ; mais nous nous dirons adieu, et nous aurons vécu un jour, un jour qui résumera pour nous toute une vie. Je vous ferai connaître ce jour de suprême adieu, je trouverai un prétexte pour m’absenter, un prétexte qui vous servira aussi. Ne me répondez pas et soyez calme en apparence. »

Je relus trois fois ce billet. Je croyais être hallucinée, je voulais douter qu’il fût de la main de Césarine. Le doute était impossible. La passion l’avait terrassée, elle abjurait sa fierté, sa pudeur ; elle descendait des nuées sublimes où elle avait voulu planer au-dessus de toutes les faiblesses humaines ; elle se jugeait d’avance avilie par l’amour de son mari ; elle voulait se rendre coupable auparavant. Étrange et déplorable folie dont je rougis pour elle au point de ne pouvoir cacher à Marguerite l’indignation que j’éprouvais !

La pauvre femme ne me comprit pas.

— N’est-ce pas que c’est bien mal ? me dit-elle en entendant mes exclamations. Oui, c’est bien mal à moi d’avoir intercepté une lettre comme celle-là ! Que voulez-vous ? je n’ai pas eu le courage qu’il fallait. Je me suis dit :