Page:Sand - Cesarine Dietrich.djvu/53

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existence, je dois rappeler celle de mon neveu et résumer ce qui était advenu de lui durant les trois années que je viens de franchir. Je ne puis mieux rendre compte de son caractère et de ses occupations qu’en transcrivant la dernière lettre que je reçus de lui à Mireval dans l’été de 1858.

« Ma marraine chérie, ne soyez pas inquiète de moi. Je me porte toujours bien ; je n’ai jamais su ce que c’est que d’être malade. Ne me grondez pas de vous écrire si peu : j’ai si peu de temps à moi ! Je gagnais douze cents francs, j’en gagne deux mille aujourd’hui, et je suis toujours logé et nourri dans l’établissement. J’ai toujours mes soirées libres, je lis toujours beaucoup ; vous voyez donc que je suis très-content, très-heureux, et que j’ai pris un très-bon parti. Dans dix ou douze ans, je gagnerai certainement de dix à douze mille francs, grâce à mon travail quotidien et à de certaines combinaisons commerciales que je vous expliquerai quand nous nous reverrons.

« À présent traitons la grande question de votre lettre. Vous me dites que vous avez de l’aisance et que vous comptez me confier (j’entends bien, me donner) vos économies, pour qu’au lieu d’être un petit employé à gages, je puisse apporter ma part d’associé dans une exploitation quelconque. Merci, ma bonne tante, vous êtes l’ange de ma vie ; mais je n’accepte pas, je n’accepterai jamais. Je sais que vous avez fait des sacrifices pour mon éducation ; c’était immense pour vous alors. J’ai dû les accepter, j’étais un enfant ; mais j’espère bien m’acquitter envers