Page:Sand - Cesarine Dietrich.djvu/88

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Cette jeunesse austère m’effrayait. Sa figure sans beauté, mais sympathique et distinguée au sortir de l’adolescence, s’était empreinte dans l’âge viril d’une certaine rigidité douloureuse. Il était impossible de savoir s’il éprouvait jamais la fatigue physique ou morale. Il affirmait ne pas connaître la souffrance, et s’étonnait de mes anxiétés. Il n’avait jamais éprouvé le désir ni senti le regret des avantages quelconques dont sa destinée l’avait privé ; esclave d’une position précaire, il s’en faisait une liberté inaliénable en l’acceptant comme la satisfaction de ses goûts et de ses instincts. Il croyait suivre une vocation là où il ne subissait peut-être en réalité qu’un servage.

M. Dietrich me questionnait souvent sur son compte, et je ne pouvais dissimuler le fond de tristesse qui me revenait chaque fois que j’avais à parler de ce cher enfant ; mais peu à peu je dus m’abstenir de lui exprimer mes angoisses secrètes, parce qu’alors M. Dietrich voulait améliorer l’existence de Paul, et c’est à quoi Paul se refusait avec tant de hauteur que je ne savais comment motiver son refus de comparaître devant un protecteur quelconque.

Césarine ne s’y trompait pas, et elle était véritablement blessée de la sauvagerie de mon neveu ; elle l’attribuait à des préventions qu’il aurait eues dès le principe contre son père ou contre elle-même. Elle penchait vers la dernière opinion, et s’en irritait comme d’une offense gratuite. Elle avait peine à me cacher l’espèce d’aversion enflammée qu’elle éprouvait en se disant qu’un homme qui ne la connaissait