Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/106

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sérieusement, et je ne savais que lui répondre. Alors il prenait du dépit et feignait d’être très-désireux de partir, afin de me forcer à chercher avec lui où il voulait aller.

Ce pauvre enfant n’avait presque rien et se croyait riche. Il avait ouï dire qu’il avait hérité de trente mille francs, et il regardait cela comme une fortune capable d’assurer l’indépendance et le luxe de toute sa vie. En vain Frumence, qu’il avait daigné consulter à cet égard, lui avait dit que trente mille francs étaient un joli en-cas pour un homme qui travaille et vit de peu, et rien du tout pour un homme qui ne fait rien et qui prétend bien vivre, Marius n’était pas persuadé ; il persistait à croire qu’en vivant bien et ne travaillant pas il ne verrait jamais la fin de son patrimoine. Aussi parlait-il de choisir un état seulement pour avoir le droit de se promener à sa guise et de s’habiller comme il lui plairait. Ma grand’mère, qui l’élevait et l’entretenait de pied en cap à ses frais pour lui conserver intact son petit avoir, avait mis un frein à ses besoins d’élégance. Elle le faisait habiller décemment et solidement, et il rougissait de la coupe de ses habits et de la forme de ses chapeaux quand ils n’étaient pas à la dernière mode. C’était pour lui un véritable sujet de honte et de chagrin, et, quand j’obtenais la permission de lui donner un de mes