Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/13

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fait des vœux pour l’étranger. Ce n’est pas elle non plus qui eût repris Toulon et fait des vœux ardents pour le triomphe de la République ou de l’Empire.

— Je suis vieille, disait-elle, je ne demande qu’à rester tranquille ; et je suis femme, je ne puis vouloir le malheur de personne.

L’excellente dame se promenait donc fort tranquille dans son carrosse ; à ses côtés, une forte villageoise provençale tenait un nourrisson assez robuste, la propre petite-fille de madame de Valangis, mademoiselle Lucienne, âgée de dix mois. Cette enfant, transplantée en Provence, était née en Angleterre, son père, le marquis de Valangis, ayant épousé dans l’émigration une Irlandaise de bonne famille. Le climat de l’Angleterre n’avait pas été propice aux deux premiers-nés de cet hymen, morts tous deux en bas âge. On avait confié Lucienne presque dès sa naissance à une nourrice française et aux soins de la grand’mère, qui avait été la chercher à Douvres, et qui, depuis trois mois, relevait avec bonne espérance sous le soleil du Midi. L’enfant, bien qu’émigrée par le fait de sa naissance et par la situation de son père, n’avait pas troublé par sa rentrée le repos de la France ; mais elle était destinée à troubler étrangement celui de sa famille.