Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/131

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partiens au monde, tu feras un jour comme lui ; tu dois d’avance te soumettre à lui et le craindre. Il ne faut donc pas que Frumence reste ici, fût-il le plus honnête homme de la terre. Promets-moi de refuser ses leçons ; autrement, je croirai que tu veux vivre comme une sauvage, te moquer du qu’en dira-t-on, et rompre avec la société des honnêtes gens. Alors, tu comprends, je m’en laverai les mains, et je ne reviendrai jamais ici.

— Il serait bien plus simple d’y rester, toi, lui dis-je. Si tu le voulais, Frumence te mettrait en état de réparer le temps perdu.

— Non, ma chère, reprit Marius ; il est trop tard. Je n’apprendrai jamais rien ici, on y manque d’émulation, et ma tante m’a rendu un bien mauvais service en ne m’envoyant pas à Saint-Cyr, où j’aurais peut-être travaillé comme les autres.

Ainsi, Marius, en nous quittant, n’avait que des reproches à adresser à tout le monde, même à ma grand’mère, sa bienfaitrice, même à moi, qui ne lui avais pas semblé digne d’exciter ce qu’il appelait son émulation ! Son ingratitude m’apparut en cet instant comme une chose monstrueuse ; je ne pus lui répondre, et nous quittâmes la Salle verte sans nous parler. J’avais le cœur gros de douleur, mais je sentais ma fierté blessée, et je ne voulais pas pleurer. Marius marchait la tête au vent, l’air