Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/135

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

maison ou les tendresses de la famille. Il pleurait, c’était un fait si anormal, que ma grand’mère en fut touchée aussi. Au moment de monter dans la carriole qui le conduisait à Toulon avec ses paquets, il fit un suprême effort, alla vers Jennie et lui demanda pardon des absurdités de sa conduite. Jennie n’eut pas l’air de comprendre, assura en lui tendant la main qu’elle n’avait aucun souvenir d’une malice sérieuse de sa part, et lui recommanda de lui envoyer son linge à entretenir.

Le cocher était déjà sur son siége, le fouet en main, lorsque Marius alla dire un dernier adieu plus déchirant pour lui que tous les autres ; il alla dire adieu à son cheval. Ce n’était plus le petit bidet du meunier, c’était un joli corse que ma grand’mère avait acheté pour lui l’année précédente. Je vis que Marius pleurait encore plus en sortant de l’écurie qu’en sortant de nos bras ; mais je n’étais pas en veine d’observation. Je le plaignis de tout perdre à la fois, ses affections et ses plaisirs. Je lui promis d’obtenir que son cheval ne serait pas vendu, et qu’il le retrouverait quand il viendrait nous voir.