Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/138

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— Eh bien, quand elle me l’aurait prêté ?

— Non, non, merci, Lucienne ! je ne veux rien. Tu es une bonne fille, un bon cœur. Je t’aime beaucoup, vois-tu. Je ne te l’ai jamais dit, c’est bête à dire comme ça pour rien ; mais j’ai eu du chagrin de te quitter. Je ne veux pas de ton argent, voilà tout ; ce serait lâche !

Je ne compris rien aux raisons qu’il me donna, et je lui reprochai de n’avoir aucune amitié pour moi.

— C’est trop me traiter en petite fille, lui dis-je. Jennie me rend plus de justice ; elle trouve qu’on n’est jamais trop jeune pour aimer ses parents et pour s’intéresser à leur sort. Je vois que je ne suis rien pour toi et que tu veux nous oublier tous.

Marius laissa couler longtemps le flot de mes reproches, et il parut hésiter à me répondre. Enfin il prit un grand parti qui parut lui coûter. Il remit avec autorité l’argent dans ma poche.

— Ne parlons plus de cela, dit-il ; plus tu m’en parles, plus je vois que tu ne comprends rien aux choses du monde. Il faut pourtant que j’essaye de te les faire comprendre. Un homme ne peut accepter la protection et les bienfaits que de trois femmes, sa mère, sa sœur ou…

— Ou quoi ?

— Ou sa femme. Eh bien, je n’ai plus de mère,