Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/144

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n’avait pas daigné comprendre, comme il avait peut-être parlé de moi, sa meilleure amie, la Capeforte s’était hâtée de le dégoûter en forgeant le roman odieux et insensé dont Frumence devait être le héros. Tout cela était aidé, comme on l’a deviné, par les aveux bizarres qu’elle avait arrachés à la pauvre Denise dans son délire.

Le résultat de ce bel échafaudage avait été bien contraire à ses vues. Marius n’avait pas seulement songé à Galathée, victime ordinaire de ses sarcasmes les plus piquants. Il avait songé à moi malgré lui, peut-être aussi par réaction contre Frumence et Jennie.

Marius s’était vraisemblablement promis de ne me rien dire encore, et d’attendre l’âge où les rêves confus de l’adolescence peuvent devenir des projets admissibles. Surpris par les événements, par la nouvelle de son désastre, par l’effusion de mon intérêt, par mon désir de le sauver et par l’état de complète innocence qui me faisait parler d’amour comme de l’inconnue à dégager d’un problème de mathématiques ; touché peut-être de mon amitié sincère et de la candeur de ses prétendus ennemis, il admettait enfin, comme par surprise, l’idée de trouver en moi son refuge contre le malheur, et il consentait presque à se laisser aimer, si c’était ma fantaisie, peut-être à me