Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/151

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sais aussi qu’il y avait un pont et une voiture. Je ne vois plus où c’était, je ne peux pas dire quand c’était. J’ai jeté l’enfant dans l’eau pour voir s’il avait des ailes, parce que j’avais rêvé qu’il en avait ; mais il n’en avait pas, car il s’est noyé, et jamais personne ne l’a retrouvé. Alors…

Denise n’en put dire davantage, elle devint furieuse, et les commis du magasin furent forcés d’accourir et de la tenir de force pendant que Jennie m’emmenait au plus vite.

Jennie essaya de me distraire de l’émotion que cette scène fantasque et douloureuse m’avait causée ; mais elle-même en était aussi bouleversée que moi, et, en revenant chez nous, nous fîmes presque la moitié du chemin sans pouvoir nous rien dire. Enfin elle rompit le silence en me demandant à quoi je songeais.

— Peux-tu me le demander ! lui dis-je. Je pense que c’est cruel et imprudent de la part de madame Capeforte d’avoir mis cette pauvre Denise en notre présence. Elle devait bien savoir qu’elle était folle toujours et que l’émotion lui donnerait une crise.

— Vous ne pensez pas, reprit Jennie d’un air pensif, que madame Capeforte ait pu le faire exprès ?

— Oh ! mon Dieu, si, va ! madame Capeforte nous déteste, je ne sais pas pourquoi !