Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/155

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rêver tout éveillée. Je vois bien que Frumence avait raison ; les enfants ne doivent pas causer avec les fous, ça leur tourne la tête. Je ne veux plus te dire qu’une chose, Jennie : c’est qu’en supposant que je fusse une fausse Lucienne… cela, tu n’en sais rien, et personne ne peut prouver le contraire !…

— Je vous demande pardon, on peut prouver le contraire ; mais supposons ! Que vouliez-vous dire ?

— Je voulais dire qu’au fond cela me serai bien égal, à moi ! Puisque ma grand’mère m’aime comme son enfant, je l’aime comme ma grand’mère, et je ne peux pas tenir beaucoup à ma pauvre maman que je n’ai pas connue, et à mon papa que je ne connaîtrai, je crois, jamais. Sais-tu, Jennie, qu’il n’a jamais répondu un mot aux lettres qu’on m’a fait lui écrire ? Elles étaient pourtant gentilles, mes lettres ! Je m’étais bien appliquée, je lui promettais de bien l’aimer, s’il voulait m’aimer un peu. Eh bien, il paraît qu’il ne veut pas.

— Cela n’est pas possible, répondit Jennie ; mais supposons que cela soit : votre grand’mère vous aime pour deux, et dès lors il ne faut pas dire que vous voulez bien être une fausse Lucienne. Si elle le pensait, elle en aurait trop de chagrin.