Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/159

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ordre et sans secousse le développement, plus lent peut-être, mais logique et paisible de mon esprit.

Elle craignit, en s’occupant trop exclusivement de moi, d’être forcée de négliger ma grand’mère, dont l’âge réclamait tant de petits soins. Et puis elle se laissa persuader par l’opinion des personnes qui venaient nous voir qu’une demoiselle de mon rang ne devait pas être une personne sérieusement instruite, mais une petite artiste. En fait d’art, elle n’avait que les notions instinctives d’un goût naturellement élevé, mais elle n’en soupçonnait pas la pratique ; elle ne savait pas qu’il faut être spécialement doué, ou enseigné d’une façon magistrale. Elle entendit parler de personnes qui ont beaucoup de talents, et elle ne mit pas en doute que je ne fusse destinée à les acquérir tous ; c’était aussi l’opinion et le désir de ma grand’mère. En conséquence, on me mit entre les mains d’une demoiselle anglaise qui venait, disait-on, d’achever l’éducation d’une jeune lady mariée à Nice, et sur le compte de laquelle on nous donna les meilleurs renseignements. Elle devait m’enseigner, dans l’espace de deux ou trois ans, la musique, le dessin, l’anglais, l’italien et un peu d’histoire et de géographie par-dessus le marché. Sous ce rapport, heureusement, j’en savais déjà plus qu’elle.