Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/164

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pied alpestre, elle me suivait, rouge comme une betterave et le nez tout en sueur. Quand nous étions au but, elle s’asseyait, sous prétexte de s’imprégner de la beauté du paysage et elle ouvrait son portefeuille à forte odeur de cuir anglais, pour dessiner le site à sa manière ; mais, tout en dessinant, elle me parlait du pic du Midi dans les Pyrénées, du mont Blanc ou du Vésuve, et, ses souvenirs l’empêchant de voir et de comprendre ce qu’elle avait devant les yeux, elle en revenait à ses roches émoussées, à ses arbres aigus, et à ses arcades de fantaisie pour servir de repoussoir. Peu à peu, tout en feignant de dessiner aussi, je m’éloignais d’elle, je m’enfonçais seule dans les ravins, allant à la découverte des choses inexplorées, ou me cachant derrière un bloc de rocher dans quelque recoin perdu, pour regarder la nature à ma guise, ou rêver à ma fantaisie. Elle s’inquiétait fort peu de mes fugues, et, au bout d’une heure ou deux, je la retrouvais assoupie de fatigue dans une pose disgracieuse, ou remettant à la hâte dans son sac un roman qu’elle lisait en cachette. J’eus la curiosité de savoir ce qu’elle lisait, et, une fois ou deux, en m’approchant avec précaution, je pus en lire quelques pages par-dessus son épaule. Un peu de tentation pour le fruit défendu, un peu d’espièglerie aussi me décidèrent à entrer furtive-