Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/174

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déjeuner, et dois-je dire à votre gouvernante que vous avez faim ? J’ai là du thé pour elle. Je me suis rappelé que les Anglaises vivent de thé.

— Si vous avez du thé, répondis-je, c’est tout ce qu’elle appréciera chez vous. Laissez-la dessiner et déjeunons ; car, depuis que je vois ce joli couvert, j’ai faim.

Frumence me remercia d’avoir faim chez lui, comme si je lui eusse fait le plus grand honneur du monde ; il fut enchanté de me voir priser ses nèfles du Japon. C’était un produit de sa culture, et je n’en avais pas encore vu. C’est un joli fruit semblable à un abricot avec de petites châtaignes au centre. Je me rappelle ce détail et l’explication botanique de Frumence, qui, tantôt assis, tantôt debout, me donnait une leçon de science, tout en me servant avec les mêmes soins délicats et affectueux que Jennie aurait eus pour moi. Je fus touchée d’une réception si amicale et un peu flattée d’en être seule l’objet, car nous avions oublié miss Agar, et c’était la première fois de ma vie que j’étais traitée comme une dame en visite de campagne. Cela me donnait un aplomb extraordinaire, et je ne fus pas fâchée de faire savoir à mon hôte que j’avais conduit mon cheval sans l’aide de personne, que je l’avais fait galoper et que je n’avais pas eu très-peur.