Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/179

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et les scolopendres pleuraient lentement sur ma tête les larmes parcimonieuses de la source. J’avais pris le goût d’être seule et de me sentir un peu poëte. Je me voyais enfin pour mon compte dans une circonstance tant soit peu romanesque ; un peu de mystère, un ami fidèle qui allait venir me trouver dans un lieu désert et pittoresque pour me donner des consolations et guérir par de sages paroles, dignes d’un ermite des anciens jours, une peine cruelle dont je ne savais pas précisément la cause et dont je ne m’apercevais guère une heure auparavant : c’était une situation, c’était un accident imprévu dans ma vie monotone, c’était enfin ma première aventure !

Je m’y laissai aller avec un véritable plaisir, me comparant à une des illustres infortunées de mes romans, et cherchant avec un peu d’étonnement et d’anxiété comment je pourrais obliger Frumence à ne plus croire mes chagrins si petits et si puérils.

Il vint me rejoindre au bout d’un quart d’heure, et, m’offrant son bras qui était bien encore un peu haut pour le mien, il me parla ainsi :

— J’ai réfléchi, tout en me rendant ici, à ce que vous m’avez dit. J’ai vu les drôles de dessins que fait miss Agar, et je l’ai entendue parler un instant avec mon oncle. De ce peu d’observations, je con-