Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/181

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moi qui la mène promener comme on mène une bique aux champs, et que, sans moi, elle se perdrait comme un mouchoir ?

— Jennie ne sait donc pas cela ?

— Non, Jennie ne le sait pas précisément. Quand je sors avec miss Agar, celle-ci prend de grands airs de bonne gardienne, elle me répète quinze fois de ne pas oublier mon voile et mes gants, tandis qu’elle-même oublie toutes ses affaires, excepté…

— Excepté quoi ?

— Ses romans.

— Elle lit beaucoup de romans ?

— Elle ne lit rien autre chose.

— Mais elle ne vous en fait pas lire ?

— Non, répondis-je en rougissant, elle se cache de moi pour s’en repaître.

Frumence vit que j’avais rougi, et tout doucement il me confessa. Je ne savais pas mentir, je lui avouai que je lisais tous les romans de miss Agar en même temps qu’elle, et j’en fis connaître les titres au bon Frumence, qui eût pu me répondre : Si j’en connais pas un, je veux être étranglé ; mais, comme il y avait assez de finesse sous sa candeur, il réussit à savoir que ces fictions avaient de l’attrait pour moi, et que, si je n’avais pas encore signalé à Jennie la négligence de ma