Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/197

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lisible. C’était pourtant bien l’écriture de Frumence ; mais c’était une note rédigée pour lui-même, pour lui seul probablement, et qui s’était glissée là par mégarde. Voici cette note :

« On est convenu de dire et de croire aujourd’hui que les anciens n’ont pas connu l’amour. Ce serait, à ce que l’on prétend, un sentiment nouveau sorti du raffinement progressif des idées et de l’idéal chrétien. Il faudrait savoir ce que l’on entend par l’amour dans le siècle où nous vivons.

« Ne vivant pas dans le monde, je ne peux le chercher que dans la littérature, qui est toujours l’expression des sentiments ou des instincts d’une époque ; mais la jeune littérature me fait l’effet d’être plus affectée que sincère. J’y trouve un accent d’exagération qui veut peindre un état de fièvre : poëmes et romans sont conçus sous l’empire d’un besoin purement littéraire d’exprimer des agitations passionnées ou des désenchantements amers. Au fond de tout cela, il me semble trouver le cœur de l’homme aussi naïvement et aussi brutalement égoïste qu’à l’aurore de la civilisation. Me trompé-je ? »

Jusque-là, la note de Frumence ne m’intéressait pas beaucoup. Je continuai pourtant, croyant encore que cet essai de critique avait pu être rédigé pour moi.