Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/198

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« Dans le doute, abstiens-toi, dit la sagesse. Je puis bien m’abstenir de juger les littérateurs de mon temps, et je ne tiens pas essentiellement à connaître les hommes qui passent actuellement sur le chemin où passèrent leurs devanciers… Mais d’où vient ce besoin de s’interroger soi-même et de se demander si les ancêtres de la pensée ont aimé, souffert et aspiré au bien suprême comme… dirai-je comme moi ? Que sais-je de moi ? que sais-je d’un bien suprême autre que le principe de la justice dans le cœur du juste ? Il y a pourtant une voix qui crie dans le désert : Amour, amitié, ô hyménée !

« Oui, voilà les trois notes que j’entends dans le vent du soir et dans la plainte du torrent. Voix mystérieuse d’une ineffable poésie… Et pourtant, Frumence, tu n’es pas poëte ! tu ne crois pas en Dieu, foi !

« Qu’es-tu donc ? un enfant viril, un rêveur exalté, ou tout bonnement un garçon sans femme ?

« Qui te ferait penser que tu es un amant sans maîtresse ? Un amant, toi qui acceptes le jugement sans appel de la raison ? as-tu le droit d’aimer, toi qui ne veux pas imposer l’amour ? Un amant !… c’est-à-dire un homme qui aime ! mais l’amour n’existe que par la réciprocité qui le sanctifie. Jus-