Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/202

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cher la définition de cette honte aussi ingénument que Frumence cherchait celle du désir. Il me venait aussi une défiance devant son impiété.

Pendant toute la semaine, j’aspirai au moment où je pourrais causer avec lui et l’amener adroitement à traiter ce grave sujet avec moi. Et puis tout à coup, le dimanche venu, comme je traversais la vallée avec Michel, j’eus un éblouissement, le cœur me battit très-fort ; je ne sais quelle voix fantastique me dit à l’oreille comme dans mon rêve : « Elle, c’est toi. » Je fus indignée. Je tournai bride en disant à Michel :

— Nous n’irons pas à la messe aujourd’hui.

— Est-ce que mademoiselle se sent malade ?

— Oui, Michel, un grand mal de tête.

Je rentrai. Jenny s’inquiéta, me fit boire du tilleul et me supplia de me jeter sur mon lit une heure ou deux. Je le lui promis afin qu’elle me laissât seule. Je relus la maudite page, et cette fois je crus devoir m’étonner de ne l’avoir pas encore comprise. Elle, c’était bien moi. J’étais la divinité, le bien suprême ; la raison n’admettait pas un hyménée impossible, mais j’étais adorée en silence. J’apparaissais dans la nuée, je parlais dans la cascade ; on ne me le dirait jamais : qu’allais-je faire à présent que je l’avais deviné ?

Je n’aimais pas Frumence, je ne pouvais pas