Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/215

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sociation de deux personnes qui s’estiment assez pour souhaiter de passer leur vie ensemble. Ce jour viendra pour vous dans quelques années, Lucienne ! Faites un bon choix : c’est la morale à tirer de mes pensées, puisque mes pensées vous intéressent.

— Vous avez donc le désir de vous marier, Frumence ? Je ne le savais pas, vous ne me l’aviez jamais dit.

— Et je ne comptais jamais vous le dire ; à quoi bon ? Entendons-nous cependant : je n’ai pas le désir de me marier, mais seulement le regret de ne pas pouvoir me marier.

— Parce que… ?

— Parce que la seule personne qui me conviendrait ne peut m’appartenir. Donc, je n’y songe pas.

— Vous y songez malgré vous pourtant.

— Si c’est malgré moi, c’est absolument comme si je n’y songeais pas. Tenez, Lucienne, je suis bien aise que ceci puisse nous servir de texte pour philosopher aujourd’hui. Il y a des rêveries involontaires, comme il y a des pensées définies. La vie de l’esprit se compose de ces alternatives que l’on pourrait comparer à l’état de sommeil et à l’état de veille de la vie du corps. À tout âge, et au votre plus qu’au mien, il y a des lassitudes de