Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/22

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tenant prendre la parole en mon propre nom pour tâcher de me retracer mes plus anciens souvenirs.

Le plus net de ces souvenirs, c’est une robe blanche, la première sans doute que j’aie portée, et une coiffure de fleurs et de rubans roses sur mes cheveux bouclés. Cette toilette fut une ivresse pour moi ; mais je ne saurais dire où elle eut lieu, sinon que c’était en plein air, par une nuit chaude et au clair de la lune. On me mit un petit manteau et on me porta dans un précipice. Je crois que j’étais portée par un homme, et je sais qu’à côté de moi marchait une femme que j’appelais maman et qui m’appelait sa fille.

Là, tout se trouble dans ma vision. Il me semble que je suis prise et emmenée par deux autres femmes que je ne connaissais pas, sans que, malgré mes cris, mon désespoir et ma résistance, la mère que j’appelais vînt à mon secours. Je crois que ce fut mon premier chagrin et je crois qu’il fut terrible, car je n’en retrouve pas la durée et les incidents. Il me semble que j’ai été morte dans ce temps-là, quoiqu’on m’ait dit que je ne fus pas même malade ; mais je crois bien qu’il y eut un anéantissement dans mon âme, et comme une suspension de vie morale et intellectuelle. Ce que je vais raconter de ces premiers