Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/223

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elle eût deviné le roman que je me forgeais sur le compte de Frumence.

Celui-ci répondit très-prudemment à mes indiscrètes curiosités. Il ne voulut pas prendre mes griffonnages pour des épîtres que je lui adressais. Il eut l’air de les considérer comme des essais littéraires que je soumettais à son jugement. Il se contenta d’écrire en marge, en me les rendant, des réflexions comme celles-ci : « Pas mal rédigé, — question oiseuse, — raisonnement assez juste, — recherche futile, — page bien écrite et bien pensée, — divagation puérile, — bonne réflexion, — rêvasserie de quelqu’un qui s’endort devant son encrier, » etc., etc. — Et il ne garda aucun de ces précieux écrits qui étaient destinés à éclairer et à calmer son âme agitée. — Je m’en étonnai un peu, et puis j’essayai de croire qu’il en prenait copie et qu’un jour il me dirait : « Voilà ce que j’ai feint de dédaigner ; mais j’en ai fait mon profit ; vous m’avez sauvé, par la sainte amitié, des orages de l’amour. »

C’est lui dont la sainte bonté m’eût guérie, à elle seule, de mes sottes illusions ; mais un concours de circonstances nouvelles devait bientôt les dissiper radicalement.