Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/253

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— Ainsi, je dois, avant tout, chercher mon mari dans le monde du savoir-vivre ?

— Oui, dans le monde dont tu es, et dont tu ne pourrais cesser d’être sans tomber dans une sorte de déchéance très-honteuse.

— Pourtant il y a, en dehors de ce monde-là, de grands esprits et de grands caractères ?

— Méfie-toi de ce qui est grand. La mer est grande, et c’est le nid aux orages. Si tu veux une destinée héroïque et difficile, ne me consulte pas, je n’ai pas le goût du compliqué et du surnaturel. Je vois le bonheur dans la convenance, ce qui est simple comme bonjour. Pas de vaine ambition, pas d’idées quintessenciées ! le bon sens pratique, les mœurs douces, les relations agréables, de la bienveillance et du bien-être ; la moquerie pour toute vengeance contre les sots, les égards et les soins aimables pour les gens qu’on aime ; du loisir, du calme pour élever ses enfants dans un milieu honoré et paisible : que faut-il de plus à deux esprits bien faits, à deux créatures raisonnables ? À force de revenir sur ce sujet, Marius me persuada qu’il était dans le vrai, et je me pris à rougir tout à fait de mes chimères. Je commençai à faire l’examen de ma conscience dans le passé et à voir que j’avais fait fausse route. Je me rendis compte de mes coquetteries instinctives vis-à-vis