Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/259

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étouffer. Le travail intellectuel me fut une immense ressource, et, quand j’entreprenais une nouvelle étude, c’était avec tant de plaisir et d’ardeur que je me croyais à jamais calmée, à jamais triomphante ; mais des circonstances extérieures qu’il n’était pas en mon pouvoir d’empêcher ramenaient le trouble.

Ma grand’mère désirait me marier, et de temps en temps ses amis, M. Barthez, M. de Malaval, le docteur et quelques autres, venaient l’entretenir de vagues projets ou lui proposer des partis tout prêts à se présenter. Elle me consultait ou me faisait consulter par Jennie ; mais tout ce que l’on me disait de ces prétendants me déplaisait. Avant tout, je voulais ne jamais quitter ma grand’mère et m’assurer qu’on ne me séparerait pas de Jennie, et c’était là le difficile : les uns étaient marins, des êtres sans domicile et sans indépendance, qu’il eût fallu suivre ou rejoindre de rivage en rivage ; d’autres avaient des familles qu’ils ne pouvaient me sacrifier. On m’en nomma que j’avais rencontrés et qui me furent antipathiques dès que l’idée de tomber sous leur dépendance fut associée à leur souvenir. Ils me déplaisaient mortellement par la seule raison qu’ils ne m’avaient plu que médiocrement. La situation d’une fille à marier a ses angoisses et ses périls dont les