Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/272

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restera la plus petite hésitation, je m’en tiens au rôle de frère, que je trouve très-facile et dont j’ai l’habitude.

Il eut d’autres fiertés qui me plurent. Il ne voulut jamais reprendre son cheval, qui était devenu mien, et il employa, ses économies à s’en procurer un autre, afin de m’escorter à la promenade et de me prouver qu’il gagnerait toujours assez pour se vêtir et se monter.

— Un homme n’a pas grand’peine à se donner, disait-il, pour n’avoir besoin de personne. Si je reste pauvre, j’aurai assez d’ordre pour qu’il n’y paraisse pas, et, si je n’ai pas de bonheur, j’aurai l’air de n’être pas malheureux.

Un jour, nous allâmes revoir le Regas. Il m’aida à grimper, et, quand je fus en haut, il redescendit chercher Jennie, qu’il aida tout aussi consciencieusement, pour me bien prouver qu’il ne me faisait pas la cour. J’eus envie de certaines fleurs ; il gravit des roches difficiles et fit un gros bouquet qu’il me jeta, au lieu de me l’apporter. Jennie s’en étonna un peu.

— Lucienne sait bien, lui dit-il en redescendant, que je ne suis pas galant, mais complaisant avec elle.

Cette manière de m’attirer à lui en feignant de se croiser les bras toucha ma fierté. Un jour que