Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/295

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gée d’avance de mon sort, et puis, je dois l’avouer, je redoutais le caractère de Marius et je regrettais ma liberté. Il le devina et m’en fit des reproches, non pour m’amener à me rétracter, mais pour laisser une porte ouverte au retour. Comme je ne cédais point, il prit de l’humeur et me dit tout bas, après avoir salué M. Barthez, qu’on appelait de la part de ma grand’mère :

— Tu comprends, ma chère enfant, que, dans les termes où nous voici et quand tu me retranches de ton avenir quel qu’il soit, je dois me retirer de la maison. Si nous eussions dû nous marier, ma présence ici était naturelle et légitime ; si cela ne doit jamais être, elle te compromet. Ma tante me croit parti, je devrais l’être. Adieu ! je reviendrai de temps en temps savoir de ses nouvelles.

Il s’en alla sans attendre ma réponse, et je faillis courir après lui. Il m’était cruel de penser que notre amitié pouvait être brisée en même temps que notre mariage, car il y avait un visible dépit dans son adieu, et il semblait que j’eusse tous les torts ; mais je n’eus pas le loisir de consulter les divers mouvements de mon cœur. Jennie vint vers moi d’un pas rapide. Elle était pâle, et ses dents serrées l’empêchaient de m’appeler. Saisie de terreur, je courus à elle en lui disant :

— Ma grand’mère est morte !