Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/35

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surée en voyant son grand fantôme de neveu déballer nos vivres et tourner autour de nous d’un air affamé. J’ignorais la fierté et la sobriété du personnage.

Comme, malgré sa vénération pour les personnes consacrées à Dieu, Denise aimait la propreté, elle prétendit que j’étais habituée à manger en plein air, et nous allâmes prendre notre repas sur un gradin de montagne qui était censé le jardin de la cure, et où poussait un peu d’herbe sous l’ombrage d’un jujubier ; mais la pluie nous força bientôt de rentrer dans l’église, et un orage se déclara si impétueusement, qu’il fallut en attendre la fin pour songer à nous remettre en route. Le bon curé s’inquiéta de nous voir partir après l’averse. Il n’en fallait pas davantage pour rendre le sentier difficile et la Dardenne dangereuse. Il boitait trop pour nous accompagner, mais il chargea son neveu de nous reconduire.

Tout alla bien jusqu’au passage du torrent, qui, sans paraître encore bien méchant, avait mouillé toutes les pierres et les rendait fort glissantes. Frumence proposa de me prendre dans ses bras ; mais j’étais déjà une petite princesse, et son habit noir du dimanche était si crasseux, sa chevelure noire était si inculte, même le dimanche, que toute sa personne m’inspirait un dégoût invincible. Je re-