Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/42

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coutez, madame, et je vais rejoindre mon cher oncle qui pourrait bien être aussi inquiet de moi, si je tardais, que vous l’étiez tantôt de votre petite-fille.

Là-dessus, l’honnête et digne garçon reprit son affreux chapeau, qu’il avait eu la discrétion de cacher par terre dans un coin, et il se retira en me saluant comme une grande personne ; ce qui me réconcilia un peu avec lui.

— Prenez le chemin des moulins ! lui cria ma grand’mère du haut de la terrasse ; n’allez pas repasser le gué. Je vois d’ici que la rivière est décidément très-forte.

— Oh ! qu’est-ce que cela fait ? répondit Frumence en souriant. On passe toujours !

Il semblait vouloir dire qu’il était un trop pauvre diable pour que la rivière prît la peine de l’emporter.

J’eus la méchanceté de penser tout haut qu’un bain ne lui ferait pas grand mal.

— Ma chère enfant, me dit ma grand’mère d’un air fâché, un pareil homme serait plus facile à décrasser qu’une mauvaise âme.

— Est-ce donc que j’ai une mauvaise âme ? demandai-je tout interdite.

— Non pas, grâce à Dieu ! reprit ma bonne maman ; mais, sans le savoir, vous avez parlé dure-