Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/52

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de sujets sur lesquels elle eût craint de manifester son opinion, et, puisqu’il faut tout dire, elle passait pour une personne affable, bien élevée, hospitalière et douce, mais parfaitement nulle. Il y avait là une grande injustice, car elle avait le jugement sain, l’appréciation délicate et noble, et même l’esprit agréable, quand elle était à l’aise. Son manque d’initiative tenait à son organisation débile, à son milieu inerte, au despotisme de l’habitude, aucunement à une absence de facultés. D’ailleurs, n’eût-elle eu que celle d’aimer, n’est-ce pas une impiété que de décréter de nullité une âme généreuse ?

J’avais à dire ceci une fois pour toutes, afin que l’on ne s’étonne pas de l’indépendance absolue dans laquelle je fus élevée, et qu’on n’attribue pas la tolérance de ma grand’mère à une apathie morale. C’était plutôt chez elle un parti pris, en attendant que l’âge lui en fît une nécessité. Elle vivait aussi peu que possible, craignant le vent, la chaleur, la poussière, toutes les rudesses de notre dur climat, n’ayant jamais eu besoin de locomotion, ou ayant perdu la force de braver la fatigue. Elle se plaignait doucement d’être ainsi, et ne voulait à aucun prix me voir suivre la même pente. Elle s’inquiétait de me voir tranquille à ses côtés et me poussait dehors à toute heure, disant que les