Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/59

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pour ne pas s’en apercevoir bientôt. Elle nous engagea à être un peu moins guindés, et à courir dans le jardin en attendant le souper.

Marius ne s’aperçut pas de l’épigramme ; il m’offrit encore son bras, ce qui me flattait beaucoup, et nous nous promenâmes raisonnablement sous le berceau sans qu’il parût remarquer rien qui méritât son attention. J’avais si souvent entendu vanter notre réseau de fleurs et de guirlandes suspendu sur sa triple rangée de colonnes à l’italienne, nos rocailles murmurantes, la grande vue de la terrasse et la beauté du pittospore de Chine, que j’essayai de les lui faire apprécier. Il trouva le pittospore bien lourd et bien noir, les rocailles bien laides, les colonnes bien vieilles et la vue bien drôle.

— Pourquoi drôle ? lui demandai-je.

— Je ne sais pas ; c’est tout enfoncé comme une grande rue. Et ça, là-bas, cette chose bleue, est-ce que c’est ça la mer ?

— Oui ; vous avez dû la voir de plus près en passant à Toulon.

— Peut-être ; je ne l’ai pas regardée. C’est donc ça l’Océan ?

Je crus qu’il se moquait de moi. Un jeune homme si accompli et si bien élevé pouvait-il ignorer que la Provence est baignée par la Méditerranée ? Je n’osai