Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/68

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

texte à antipathie ou à raillerie entre lui et ses élèves. Elle le força d’accepter de l’argent d’avance, et des arrangements furent pris pour la métamorphose sous laquelle Frumence nous réapparut le dimanche suivant.

Nous l’attendions, Marius et moi, sans impatience, comme on peut le croire ; nous avions passé la semaine à nous lamenter sur le choix de ma grand’mère. Marius affichait le plus complet dédain pour le cuistre en guenilles que l’on nous imposait, et il se promettait, avec sa forfanterie habituelle, de lui jouer les plus mauvais tours et de ne rien apprendre avec lui. Je sentais bien que Marius avait tort ; mais, quand il contrefaisait la tournure et les manières de Frumence ; quand il imitait, avec un vieux journal ridiculement plié et misérablement percé, le délabrement de son habit et de son chapeau ; quand il me disait : « Je mettrai mes gants pendant la leçon afin de ne pas toucher les plumes qu’il aura touchées ; ma tante fera bien de nous fournir du papier noir et de l’encre blanche pour nos devoirs, car, quand il les aura maniés, l’encre ne se verra plus sur le papier blanc, » et mille autres sarcasmes tout aussi terribles, je n’osais plus dire un mot en faveur du pauvre pédagogue, et je faisais assaut d’esprit avec mon incomparable petit-cousin.