Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/70

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passai de la vie errante, de la détresse peut-être, aux mains parfumées de ma grand’mère.

Quant à Frumence, les soins et la bonne nourriture eurent bientôt réparé sa maigreur, et sa pâleur se colora d’un reflet de santé. Un jour vint bientôt où Denise dit à ma grand’mère :

— Savez-vous, madame, que M. Frumence est très-bien arrangé à présent, et que c’est même un très-beau garçon ? Qu’en pense Lucienne ?

— Moi, m’écriai-je, je suis contente de le voir décrassé ; mais je le trouve toujours très-laid. N’est-ce pas, Marius, qu’il est affreux ?

— Non, dit Marius, c’est un beau paysan.

— C’est un homme superbe, dit ma grand’mère, qui ne trouvait pas inutile de rabaisser de temps en temps la vanité de son petit-neveu. Il a des yeux magnifiques, des dents, des cheveux, une taille…

— Et des pattes ! s’écria Marius.

— De grandes pattes bien faites et dont il sait se bien servir, reprit ma bonne maman. Je souhaite pour vous, mon petit, que vous soyez un jour pareil à cet homme-là sous tous les rapports.

Marius fit la grimace et ne répliqua rien ; mais il se hâta de me persuader, en chuchotant avec moi dans un coin, que Frumence n’aurait jamais l’air distingué, et que de pareils beaux hommes