Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/79

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

même ses idées sur la société se dégagèrent des préjugés de son temps et de son milieu. Lorsque l’Empire s’écroula et que le retour des Bourbons ramena les prétentions et les croyances d’une autre époque, elle se préserva d’une fausse ivresse et se tint à l’écart de toute cruelle et puérile réaction légitimiste. Elle avait toujours eu un fonds de sagesse et de raison que de violents chagrins et la fâcheuse influence de Denise, à certains moments, n’avaient pu détruire. En recouvrant l’indépendance de son esprit, elle ne fit sans doute que redevenir elle-même.

Mais Denise était incapable de faire un progrès quelconque. Elle s’alarma bientôt de l’importance que Frumence prenait dans la famille. Après l’avoir accueilli et admiré dans les premiers temps, elle s’inquiéta de ce qu’elle appelait son irréligion, et se mit à le tourmenter singulièrement. Denise était encore jeune et se disait veuve ; ma bonne maman savait bien qu’elle n’avait jamais été mariée et qu’elle pouvait encore perdre la tête. Il se passa là sous mes yeux un petit drame auquel ni Marius ni moi ne pûmes rien comprendre, bien qu’une circonstance dont je fus frappée eût dû me mettre sur la voie des découvertes ou des inductions.

Un jour, — j’avais environ douze ans alors,