Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/89

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— Ma chère enfant, me dit-il quand nous fûmes seuls sur le chemin, je ne crains pas que Denise ait jamais un mauvais sentiment contre vous. Pourtant cette pauvre fille a, depuis quelque temps, des idées bizarres, et dans ces moments-là il paraît qu’elle ne reconnaît pas les personnes qui lui sont chères. Voilà pourquoi je me permets de vous séparer d’elle, ne m’en veuillez pas : en dehors de vos leçons, je ne m’arroge aucune autre autorité sur vous que celle de vous préserver d’un danger ou d’un chagrin.

— Est-ce que Denise va redevenir folle et rester comme ça ? demandai-je en pleurant.

— Non, non, ça passera ; mais vous croyez donc qu’elle a été folle ?

— Oui, je le sais, répondis-je, la vieille Jacinthe me l’a dit.

Frumence feignit d’en douter. Il s’inquiétait de me voir si affectée, et il professait, au rebours de Denise, le plus grand respect pour la placide ignorance des choses tristes où il faut laisser les enfants.

— Dormir et grandir, disait-il souvent, c’est avant tout leur affaire. Tout ce qui dérange ces deux fonctions ne peut être que détestable.

Qu’il eût été inquiet et triste, ce pauvre Frumence, s’il eût pu soupçonner que j’avais entendu