Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/90

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les paroles délirantes de Denise, et que mon esprit alarmé cherchait déjà la clef de l’énigme ! Pourquoi Denise accusait-elle Frumence d’être amoureux de moi ? Mais d’abord qu’était-ce donc que l’amour ? Est-ce que ce mot-là n’avait pas été inventé pour les Amadis et les Percinet des légendes ? N’était-ce pas la même chose que l’amitié, ou tout au plus une amitié quintessenciée, romanesque et capable de faire accomplir de grandes choses ? Comment eût-il été possible que Frumence fût amoureux de moi et songeât à m’épouser un jour, lui qui, avec ses vingt-trois ans, me paraissait aussi vieux qu’un grand-père ? Et puis Frumence avait dit en résumé : Non, ce serait mal, et j’avais du respect pour sa parole. C’est en creusant ces problèmes insolubles et pourtant dangereux à mon âge, que je fis en silence le reste de la course. Frumence attribua mon air absorbé à la triste scène dont j’avais été témoin et en fit honneur à ma sensibilité. Quand nous fûmes près du manoir, il me prit la main et me dit :

— Ne croyez pas que vous serez longtemps séparée de votre nourrice, elle guérira certainement.

— Elle va donc s’en aller, cette pauvre Denise ?

— Je crois qu’un petit voyage lui ferait du bien. Le docteur dira ce qu’il lui faut.