Page:Sand - Constance Verrier.djvu/121

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— Vous êtes très-forte sur cette thèse, dit mademoiselle Verrier, prenant la parole à la place de l’artiste qui paraissait épouvantée et peut-être ébranlée par la certitude raisonnée de madame d’Evereux : je n’ai pas l’expérience nécessaire pour la rétorquer catégoriquement, mais il faut que je vous avoue ceci : je comprendrais plus volontiers l’existence tourmentée et condamnée de Sofia, que je ne comprends la vie triomphante de votre amie anonyme. Que la Mozzelli ait été injuste en exigeant trop, c’était mon avis tout à l’heure ; mais, depuis que vous m’avez montré les rayonnements de votre indulgence, je m’intéresse davantage à la recherche ardente de cette ambitieuse. Fièvre pour fièvre, fatigue pour fatigue, déception pour déception, je comprends mieux l’artiste qui aspire à un rêve de félicité et de fidélité sublimes, que la raisonneuse qui se contente d’une intimité positive et passagère. Du côté de cette dernière, je vois, — j’y persiste, ne vous en déplaise ! — une hypocrisie effrayante, le mensonge de la fausse pudeur et l’orgueil de la solitude intellectuelle. Si cette femme forte était là, je lui dirais qu’elle a méprisé tous les hommes qu’elle a honorés de son choix, et si j’étais homme moi-même, si, épris de sa grâce et de son merveilleux prestige, je lisais tout d’un coup au fond de sa pensée, je deviendrais froid et me sentirais peut-être fort irrité contre elle.

La duchesse ne se fâcha nullement de cette leçon.

— Si vous étiez homme, répondit-elle, vous ne