Page:Sand - Constance Verrier.djvu/130

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je le suis, et après nous deux il n’y en aura plus ; aimons-nous donc nous-mêmes, et fuyons celles qui s’égarent. Non ! ce n’est pas là ma religion. J’aime tous les hommes et toutes les femmes, même ceux et celles qui ne valent rien du tout, parce que la pitié c’est encore de l’affection. Et, dans cette charité qui m’est devenue habitude, j’ai trouvé pour mon cœur une santé parfaite.

« La santé, c’est la vie dans sa plénitude et dans sa liberté, ma chère Sofia ! Malades, nous ne voyons pas juste et nous perdons la puissance d’aimer. Le cœur tranquillisé et assaini peut seul concevoir un grand amour et l’entretenir fort, même dans la douleur de l’absence. Vous aimez les fleurs, vous savez bien qu’il faut leur choisir la terre, l’air et le soleil. L’amour est la fleur de notre vie. Pour qu’elle y croisse splendide et magnifique, il ne faut pas l’encombrer d’herbes folles, ni attirer autour d’elle les petits oiseaux gourmands qui sifflent et sautillent dans les bosquets de Cythère. Pour cultiver et préserver le sanctuaire où doit s’épanouir la rose du ciel, lumière et parfum de l’âme, il faut prier, croire et vouloir.

« Celui qui m’a enseigné cela, c’était un homme, c’était mon père. La délicatesse des idées et la ferveur des sentiments ne sont donc pas la dot céleste des femmes exclusivement. Et il s’est rencontré, sans que je l’aie cherché, un pauvre jeune homme, un employé de mon père, qui pleurait avec moi autour de son lit de mort. J’avais pour lui les sentiments d’une sœur ;