Page:Sand - Constance Verrier.djvu/152

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tude d’analyser moitié charitablement, moitié ironiquement, l’esprit des autres, en vue d’une secrète jouissance d’amour-propre, établie sur la comparaison de son habileté et de sa philosophie avec les folles passions ou les sots scrupules d’autrui. Elle ne pouvait se livrer à cet amusement avec sa fille, et même elle eût craint de s’y livrer. Elle n’osait sonder cette jeune âme, à laquelle, malgré tout l’aplomb de ses sophismes, elle sentait bien qu’elle ne pouvait imprimer aucune bonne direction.

L’instinct moral est si puissant chez les âmes candides, que Julie d’Évereux s’attacha tendrement à Constance dès les premiers jours, et bientôt ne voulut voir que par ses yeux. La duchesse prétendait, en les embrassant toutes deux, qu’elle en était jalouse. Au fond du cœur, elle se disait : Quel dommage que cette petite bourgeoise soit riche ! comme cela eût fait une incomparable gouvernante pour ma fille !

La Mozzelli, après avoir, comme la cigale, chanté tout l’été, fit un voyage d’agrément en Écosse, donna des concerts à Édimbourg, et partit, de là, pour Milan. Elle passa par la France et s’arrêta quelques jours à Paris. Elle y chercha Constance et la duchesse, apprit où elles étaient, et résolut d’aller donner un concert à Nice, afin de les voir en passant.

Constance la reçut avec affection, mais la duchesse fut visiblement contrariée de son arrivée. Puis prenant son parti bravement : — Ma chère, lui dit-elle, je ne sais pas feindre ; je vous aime beaucoup, et, si je