Page:Sand - Constance Verrier.djvu/192

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qui m’avait jeté à vos pieds. Il y a plus de dix ans que je l’aime, il y en a quatre que je ne l’ai vue…

Un cri déchirant s’exhala du cœur de la Mozzelli.

— Vous êtes Abel ! s’écria-t-elle ; cette idée-là m’avait déjà traversé l’esprit tout à l’heure ! Vous êtes le fiancé de Constance ! j’aurais dû le deviner plus tôt !

— Oui ! vous eussiez dû le deviner au courage que j’ai eu de vous quitter à Londres et de ne pas retourner vous voir à Édimbourg. Il n’y a que Constance au monde qui pouvait me l’inspirer.

La Mozzelli garda un instant le silence. Elle était pâle et immobile comme la statue contre laquelle elle se trouvait assise, et qui était une copie de la Polymnie antique. Cette tête de marbre blanc, si tranquillement posée sur la main, avait l’air d’écouter Raoul, tandis que, roidement adossée contre le socle de la statue, les yeux sans regard et l’esprit sans gouvernail, la pauvre Mozzelli n’entendait et ne comprenait plus rien.

— Sofia ! lui dit Raoul en s’efforçant de la réveiller de cette torpeur, vous aimez tendrement Constance puisque vous n’aviez pas de secrets pour elle ?

— Je la hais et je la tuerai ! dit la Mozzelli en se levant : c’est elle qui m’avait appris à aimer !

— Non ! vous sacrifierez votre dépit à son repos et à votre propre dignité, vous vous tairez.

— Me taire ? Il n’est plus temps ! Je lui ai tout dit, excepté votre nom ; et vous croyez qu’elle ne saura pas que c’est vous qui êtes venu la chercher ici ? Vous croyez qu’elle ne le sait pas déjà ? Ou elle a reconnu