Page:Sand - Constance Verrier.djvu/255

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trainte d’assister à tes efforts impuissants pour revenir à moi. Et puis… quelque chose de plus horrible encore, je t’ai vue souffrir, et je sais que tu souffres toujours, et que c’est moi qui en suis la cause ! Je sais qu’il y a en moi un homme que tu plains, que tu aimes, que tu consoles, et un autre homme qui ne te semble plus à toi et qui te fait peur, comme un étranger qui voudrait s’introduire par force ou par ruse dans ton intimité. Et pourtant, je suis là, moi, assistant à ma propre dégradation et ne voulant pas que ta pitié me trompe pour m’en épargner l’horreur. Est-ce là un faible amour, celui qui appelle le châtiment au lieu de s’y soustraire, et qui, au lieu de dire : Je serai avili par le pardon, demande l’épreuve et endure sans aigreur la méfiance qui l’impose ?

— Eh bien ! tu as raison, dit Constance avec résolution, et j’accepte ce que tu dis là. Non ! je ne veux pas te pardonner, parce qu’en effet le pardon est une chose humiliante quand il n’est pas la réconciliation de tout l’être qui l’accorde. Je te donnerai le temps que tu demandes, et nous serons deux tendres amis jusqu’au jour où tu seras bien sûr que mon amour n’est pas de la pitié, mais de l’enthousiasme et du respect, comme autrefois. Ce jour viendra bientôt, je le sens ! Moi aussi, je t’ai mis en méfiance de mon amour, car, sans le vouloir, je me suis cruellement vengée ! Nous avons donc à faire justice de nos torts mutuels ! Demandons à Dieu qu’il nous les pardonne à tous deux, et qu’il nous rende l’idéal sans lequel, pas plus que moi, tu ne peux vivre !