Page:Sand - Constance Verrier.djvu/42

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— Eh bien ! dit la duchesse à Constance, vous ne faites pas gronder la basse ?

— Non, répondit Constance ; j’écoute et je suis triste ! Je trouve qu’il ne faut pas vouloir ignorer les misères et les injustices de ce monde.

— Bien ! reprit la Mozzelli ; vous y viendrez, à reconnaître que les hommes sont d’atroces créatures ! Savez-vous ce qu’ils font, ces riches voyageurs, ces majestueux Anglais et ces Français aimables qui viennent sur la rive de la Magra les jours de marché ? Ils regardent les jeunes filles avec des yeux libertins et des paroles indécentes ; et, quant aux pauvres vieilles, ils les raillent et rient aux éclats de leur maigreur effrayante. Dans tout cela, il n’y a pas un homme qui nous paierait un jupon de rechange, à moins que… si nous sommes jolies…

— Bien ! bien ! dit la duchesse sans se déconcerter ; c’est là comme ailleurs.

Constance soupira et quitta le piano.

La Mozzelli gardait le silence.

— Eh bien ? reprit la duchesse.

— Eh bien, répondit la Mozzelli en se levant et en faisant, pâle et les yeux ardents, quelques pas dans le salon, c’est pour des jupons, pour des souliers, pour des chapeaux que j’ai quitté ma montagne, mon père, et l’honnêteté de ma pauvre vie. Je n’avais pas quinze ans !

Il y eut un nouveau silence que la duchesse interrompit par cette question tranquille :