Page:Sand - Constance Verrier.djvu/44

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somme qu’ils m’ont donnée a été plus que suffisante : j’ai un beau reliquat que je te laisse. Je ne garde absolument que ce qu’il faut pour prendre ce soir le bateau à vapeur. Allons ! tu ne vas pas pleurer, j’espère ! Tu savais bien que nos amours ne pouvaient pas durer éternellement et que je me marierais un jour ! Tu comprends qu’ayant donné ma parole, je ne puis y manquer et tarde» davantage.

« — Et que deviendrai-je, moi ? lui dis-je en sanglotant.

« — Ça ne me regarde pas, répondit-il. Voilà trois mille francs, et je t’ai donné de la toilette pour trois ans. Tu n’as pas à te plaindre. »

« En effet, j’avais tort de me plaindre. Il faisait bien les choses, et ma chute facile et prompte, résultat d’une confiance aveugle et sotte, ne valait probablement pas tout cet argent-là.

« Mais moi, j’en jugeai autrement. Je ne sais quel orgueil, qui s’éveillait en moi pour la première fois de ma vie, me persuada que mon amour pour ce jeune homme était quelque chose de plus que tout son argent, et que vouloir payer cet amour était une insulte, J’avais gaiement et sans réflexion partagé son bien-être et accepté ses dons ; je me croyais sa compagne et son égale. Quand il me parla de salaire, je compris mon opprobre, et, sans ramasser son aumône, je le quittai pour courir du côté de la mer, où je me serais certainement jetée s’il n’eût couru après moi.

« Quand il vit que jamais je n’avais fait aucun cal-