Page:Sand - Constance Verrier.djvu/62

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soir, je feignis encore de prendre la potion sans me faire prier, et de m’endormir subitement.

« Cette fois, la vieille sortit sans renouveler ses épreuves de la veille, et, au bout de quelques instants, le plus profond silence régnait dans la maison.

« Je pris un livre afin de me tenir éveillée. Sur le minuit, après m’être enfermée sans faire crier les verrous, j’allais succomber à la fatigue quand j’entendis scier la persienne de ma fenêtre qui donnait au rez-de-chaussée. La peur me rendit muette, mais j’eus la présence d’esprit de me lever et de me jeter dans un petit cabinet de toilette qui recevait le jour de la chambre à coucher par une rosace percée.

« Pendant ce temps, on brisait la vitre de ma fenêtre. C’était quelqu’un qui comptait bien évidemment sur mon sommeil invincible, quelqu’un qui entra dans ma chambre et s’approcha de mon lit dont il écarta brusquement les rideaux : et ce quelqu’un-là, c’était le comte.

« Rassurée aussitôt, je passai à la hâte une robe de chambre et me montrai. Je pensais qu’il avait surpris les mauvais desseins dont j’étais l’objet et qu’il venait à mon secours mais lorsqu’il me vit debout et bien éveillée, son trouble le perdit. La vérité m’apparut, et je lui arrachai l’aveu de son infâme tentative. Il avait travaillé peu à peu, sous prétexte de me soigner, à me plonger dans un accablement où je n’aurais plus conscience de rien, et, en se voyant déjoué, il perdait la tête et m’avouait son horrible amour.