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consuelo.

s’empresserait de le retenir. Elle fit effectivement un mouvement impétueux pour s’élancer vers lui ; puis elle s’arrêta, le vit sortir, courut aussi vers la porte, mit la main sur le loquet pour ouvrir et le rappeler. Mais, ramenée à sa résolution par une force surhumaine, elle tira le verrou sur lui ; et, vaincue par une lutte trop violente, elle tomba raide évanouie sur le plancher, où elle resta sans mouvement jusqu’au jour.

XIV.

« Je t’avoue que j’en suis éperdument amoureux, disait cette même nuit le comte Zustiniani à son ami Barberigo, vers deux heures du matin, sur le balcon de son palais, par une nuit obscure et silencieuse.

— C’est me signifier que je dois me garder de le devenir, répondit le jeune et brillant Barberigo ; et je me soumets, car tes droits priment les miens : cependant si la Corilla réussissait à te reprendre dans ses filets, tu aurais la bonté de m’en avertir, et je pourrais alors essayer de me faire écouter ?…

— N’y songe pas, si tu m’aimes. La Corilla n’a jamais été pour moi qu’un amusement. Je vois à ta figure que tu me railles ?

— Non, mais je pense que c’est un amusement un peu sérieux que celui qui nous fait faire de telles dépenses et de si grandes folies.

— Prenons que je porte tant d’ardeur dans mes amusements que rien ne me coûte pour les prolonger. Mais ici c’est plus qu’un désir ; c’est, je crois, une passion. Je n’ai jamais vu de créature aussi étrangement belle que cette Consuelo ; c’est comme une lampe qui pâlit de temps en temps, mais qui, au moment où elle semble