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consuelo.

de son amant respectueux ou satisfait, le pauvre Zustiniani perdit contenance, s’embarrassa dans son manteau qu’il portait drapé sur l’épaule d’un air conquérant, et fit trois pas tout de travers entre le lit et la table sans savoir à qui s’adresser. Anzoleto était vengé de la scène de la veille à l’entrée de la gondole.

« Mon seigneur et maître ! s’écria-t-il en se levant enfin comme surpris par une visite inattendue : je vais éveiller ma… fiancée.

— Non, lui répondit le comte, déjà remis de son trouble, et affectant de lui tourner le dos pour regarder Consuelo à son aise. Je suis trop heureux de la voir ainsi. Je te défends de l’éveiller. »

« Oui, oui, regarde-la bien, pensait Anzoleto ; c’est tout ce que je demandais. »

Consuelo ne s’éveilla point ; et le comte, baissant la voix, se composant une figure gracieuse et sereine, exprima son admiration sans contrainte.

« Tu avais raison, Zoto, dit-il d’un air aisé ; Consuelo est la première chanteuse de l’Italie, et j’avais tort de douter qu’elle fût la plus belle femme de l’univers.

— Votre seigneurie la croyait affreuse, cependant ! dit Anzoleto avec malice.

— Tu m’as sans doute accusé auprès d’elle de toutes mes grossièretés ? Mais je me réserve de me les faire pardonner par une amende honorable si complète, que tu ne pourras plus me nuire en lui rappelant mes torts.

— Vous nuire, mon cher seigneur ! Ah ! comment le pourrais-je, quand même j’en aurais la pensée ? »

Consuelo s’agita un peu.

« Laissons-la s’éveiller sans trop de surprise, dit le comte, et débarrasse-moi cette table pour que je puisse y poser et y relire l’acte de son engagement. Tiens, ajouta-t-il lorsque Anzoleto eut obéi à son ordre, tu peux