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consuelo.

devant un public qui me juge sur mes défauts beaucoup plus que sur mes qualités.

— Mais qui s’apercevra bien de tes progrès.

— Qui sait ? S’il me prend en aversion !

— Il t’a prouvé le contraire.

— Oui ! tu trouves qu’il a été indulgent pour moi ?

— Eh bien, oui, il l’a été, mon ami. Là où tu as été faible, il a été bienveillant ; là où tu as été fort, il t’a rendu justice.

— Mais, en attendant, on va me faire en conséquence un engagement misérable.

— Le comte est magnifique en tout et n’épargne pas l’argent. D’ailleurs ne m’en offre-t-il pas plus qu’il ne nous en faut pour vivre tous deux dans l’opulence ?

— C’est cela ! je vivrais de ton succès !

— J’ai bien assez longtemps vécu de ta faveur.

— Ce n’est pas de l’argent qu’il s’agit. Qu’il m’engage à peu de frais, peu importe ; mais il m’engagera pour les seconds ou les troisièmes rôles.

— Il n’a pas d’autre primo-uomo sous la main. Il y a longtemps qu’il compte sur toi et ne songe qu’à toi. D’ailleurs il est tout porté pour toi. Tu disais qu’il serait contraire à notre mariage ! Loin de là, il semble le désirer, et me demande souvent quand je l’inviterai à ma noce.

— Ah ! vraiment ? C’est fort bien ! Grand merci, monsieur le comte !

— Que veux-tu dire ?

— Rien. Seulement, Consuelo, tu as eu grand tort de ne pas m’empêcher de débuter jusqu’à ce que mes défauts que tu connaissais si bien, se fussent corrigés dans de meilleures études. Car tu les connais, mes défauts, je le répète.

— Ai-je manqué de franchise ? ne t’ai-je pas averti