Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 1.djvu/204

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
196
consuelo.

de l’expiation touche à sa fin. Je me sens renaître.

— Puisses-tu dire vrai, ô mon fils bien-aimé ! répondit le vieux Christian d’une voix émue et avec un accent de tendresse profonde ; puisses-tu être délivré des visions et des fantômes qui assiègent ton repos ! Dieu me ferait-il cette grâce, de rendre à mon cher Albert le repos, l’espérance, et la lumière de la foi ! »

Avant que le vieillard eût achevé ces affectueuses paroles, Albert s’était doucement incliné sur la table, et paraissait tombé subitement dans un paisible sommeil.

« Qu’est-ce que cela signifie encore ? dit la jeune baronne à son père ; le voilà qui s’endort à table ? c’est vraiment fort galant !

— Ce sommeil soudain et profond, dit le chapelain en regardant le jeune homme avec intérêt, est une crise favorable et qui me fait présager, pour quelque temps du moins, un heureux changement dans sa situation.

— Que personne ne lui parle, dit le comte Christian, et ne cherche à le tirer de cet assoupissement.

— Seigneur miséricordieux ! dit la chanoinesse avec effusion en joignant les mains, faites que sa prédiction constante se réalise, et que le jour où il entre dans sa trentième année soit celui de sa guérison définitive !

— Amen, ajouta le chapelain avec componction. Élevons tous nos cœurs vers le Dieu de miséricorde ; et, en lui rendant grâces de la nourriture que nous venons de prendre, supplions-le de nous accorder la délivrance de ce noble enfant, objet de toutes nos sollicitudes. »

On se leva pour réciter les grâces, et chacun resta debout pendant quelques minutes, occupé à prier intérieurement pour le dernier des Rudolstadt. Le vieux Christian y mit tant de ferveur, que deux grosses larmes coulèrent sur ses joues flétries.

Le vieillard venait de donner à ses fidèles serviteurs