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consuelo.

— C’est que vous êtes vous-même, à ce que je pense, répondit Amélie, une belle âme tout à fait candide… Mais peut-être êtes-vous fatiguée de m’entendre babiller, et voulez-vous essayer de vous endormir.

— Nullement, chère baronne, je vous supplie de continuer », répondit Consuelo.

Amélie reprit son récit en ces termes :

XXVI.

« Vous dites, chère Nina, que vous ne voyez jusqu’ici aucune extravagance dans les faits et gestes de mon pauvre cousin. Je vais vous en donner de meilleures preuves. Mon oncle et ma tante sont, à coup sûr, les meilleurs chrétiens et les âmes les plus charitables qu’il y ait au monde. Ils ont toujours répandu les aumônes autour d’eux à pleines mains, et il est impossible de mettre moins de faste et d’orgueil dans l’emploi des richesses que ne le font ces dignes parents. Eh bien, mon cousin trouvait leur manière de vivre tout à fait contraire à l’esprit évangélique. Il eût voulu qu’à l’exemple des premiers chrétiens, ils vendissent leurs biens, et se fissent mendiants, après les avoir distribués aux pauvres. S’il ne disait pas cela précisément, retenu par le respect et l’amour qu’il leur portait, il faisait bien voir que telle était sa pensée, en plaignant avec amertume le sort des misérables qui ne font que souffrir et travailler, tandis que les riches vivent dans le bien-être et l’oisiveté. Quand il avait donné tout l’argent qu’on lui permettait de dépenser, ce n’était, selon lui, qu’une goutte d’eau dans la mer ; et il demandait d’autres sommes plus considérables, qu’on n’osait trop lui refuser, et qui s’écoulaient comme de l’eau entre ses mains. Il en a tant donné, que vous ne verrez pas un indigent dans le pays qui nous