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consuelo.

guère doutée, répondit Consuelo avec un triste sourire, ce doit être l’air piteux d’une reine détrônée. Quant à ma beauté, elle m’a toujours paru très-contestable ; et quant à l’opinion que j’ai de vous, chère baronne Amélie, elle est toute en faveur de votre franchise et de votre bonté.

— Pour franche, je le suis ; mais vous, Nina, l’êtes-vous ? Oui, vous avez un air de grandeur et de loyauté. Mais êtes-vous expansive ? Je ne le crois pas.

— Ce n’est pas à moi de l’être la première, convenez-en. C’est à vous, protectrice et maîtresse de ma destinée en ce moment, de me faire les avances.

— Vous avez raison. Mais votre grand sens me fait peur. Si je vous parais écervelée, vous ne me prêcherez pas trop, n’est-ce pas ?

— Je n’en ai le droit en aucune façon. Je suis votre maîtresse de musique, et rien de plus. D’ailleurs une pauvre fille du peuple, comme moi, saura toujours se tenir à sa place.

— Vous, une fille du peuple, fière Porporina ! Oh ! vous mentez ; cela est impossible. Je vous croirais plutôt un enfant mystérieux de quelque famille de princes. Que faisait votre mère ?

— Elle chantait, comme moi.

— Et votre père ? »

Consuelo resta interdite. Elle n’avait pas préparé toutes ses réponses aux questions familièrement indiscrètes de la petite baronne. La vérité est qu’elle n’avait jamais entendu parler de son père, et qu’elle n’avait jamais songé à demander si elle en avait un.

« Allons ! dit Amélie en éclatant de rire, c’est cela, j’en étais sûre ; votre père est quelque grand d’Espagne, où quelque doge de Venise. »

Ces façons de parler parurent légères et blessantes à Consuelo.